Pour Isabelle*, le montant de sa retraite est loin d’être le reflet de sa carrière. Cette ancienne infirmière a exercé pendant 40 ans dans différentes structures comme un service réanimation à l’hôpital ou encore dans des Ehpad (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). La Niçoise a arrêté de travailler à 62 ans et 4 mois et touche aujourd’hui une retraite totale (de base et complémentaire) de 720 euros brut. Elle ne se plaint pas et ne se retrouve pas en difficulté financière, son mari percevant 4 500 euros par mois. «Je m’en sors bien. Mais j’ai l’impression, avec ce niveau de pension, d’avoir une toute petite carrière derrière moi», regrette-t-elle.

Ce faible montant est le résultat d’une carrière hachée et des périodes de travail à l’étranger. Alors qu’elle débute sa carrière en 1983, elle travaille sans arrêt pendant 10 ans. Puis, elle interrompt sa carrière pour suivre son mari à l’étranger et fait du bénévolat ou travaille, mais aucune de ces périodes n’est prise en compte pour sa retraite. Elle met aussi en pause son activité pendant quelque temps pour s’occuper de ses enfants. Elle revient ensuite en France en 2007 et commence l'intérim dans différents établissements de santé. Née le 1er novembre 1961, elle fait partie de la première génération touchée par la réforme des retraites qui repousse l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Elle prend donc sa retraite au nouvel âge légal, soit 62 ans et 3 mois pour sa génération.

Comment peut-on vivre avec si peu ? Ce n’est pas décent !

Après cette carrière bien remplie, elle s’étonne que le montant de sa retraite soit aussi faible. «Comment peut-on vivre avec si peu ? Ce n’est pas décent ! Je ne suis pas une femme qui s’est tournée les pouces pendant 40 ans», s’offusque-t-elle. Ayant eu une carrière incomplète notamment en raison de son expatriation, Isabelle n’a pas pu profiter de la revalorisation des petites retraites prévue par la réforme de 2023 et qui permet de gagner en moyenne 50 euros de plus par mois. «Et quand j’apprends qu’il faudra attendre six mois de plus pour voir sa pension revalorisée (non pas le 1er janvier mais le 1er juillet 2025, NDLR), je suis dégoûtée.»

Lorsqu'elle revient sur le déroulé de sa carrière, elle se dit qu’elle paie des manquements de l’Etat. Mère de trois enfants, elle a dû s'arrêter de travailler car la crèche lui coûtait trop cher. Et les 10% de majoration de sa pension pour trois enfants sont loin de compenser ce «trou» dans sa vie professionnelle. Consciente du faible niveau de pension qu’elle pouvait toucher, mais aussi parce qu’elle aimait son travail, elle était prête à travailler au moins jusqu’à 64 ans.

Mais son mari, en perte d'autonomie, a besoin de sa présence. «C’est un crève-cœur d’avoir dû m’arrêter de travailler et quand je vois le résultat, je me dis que c’est la double peine.» Et même si son mari touche une bonne retraite, elle fait attention à tout, achète ses affaires sur Vinted, site de seconde main. Prévoyante, elle anticipe le jour où elle se retrouvera à vivre seule et aussi la possibilité qu’elle continue à aider financièrement ses enfants qui peuvent se retrouver sans emploi avec un loyer à payer.

* Le prénom a été modifié