Dans l’open space d’une boîte de communication et de médias, un groupe s’agglutine derrière l’écran d’un ordinateur. «Un collègue essayait de faire écrire un livre blanc pour son client par ChatGPT. Mon boss est passé par là et a dit, un peu sur le ton de la blague : “Ah mais c’est génial ça, on va pouvoir virer du monde !”», raconte une employée, acerbe. Sept jours plus tard, elle apprend que les équipes de la création de contenus ont déjà opté pour la version payante et commencent à produire des articles grâce à l’outil d’intelligence artificielle (IA). Coût de la souscription : 24 dollars par mois. Le client annonceur, lui, n’en saura rien. Forcément, pour cette entreprise cotée qui tient à afficher de coquettes performances financières, la promesse est alléchante. «On faisait déjà des marges de 4 à 5 fois la rémunération du journaliste pigiste. Mais à ce prix-là, en termes de productivité et de réduction des coûts… la dérive, je la sens venir à plein nez !», soupire la commerciale.

Elle n’est pas la seule à flairer l’embrouille. A l’heure où une fausse chanson des artistes Drake et The Weeknd fait beaucoup de bruit, où le pape François semble s’habiller en doudoune Balenciaga et où même le monde de la finance commence à trembler – des chercheuses de la Réserve fédérale de Richmond ont montré qu’un modèle d’IA était capable de décrypter les annonces de la Fed –, nombreuses sont les cassandres qui prédisent déjà la fin du travail. En cause : l’arrivée tonitruante depuis fin 2022 de ChatGPT, le logiciel d’intelligence artificielle d’OpenAI, et de ses équivalents pour le son ou les images, comme MusicLM de Google ou Midjourney, pour ne citer qu’eux.

Deux tiers des métiers actuels pourraient affectés par l'IA

Ces IA dites génératives sont capables de produire dissertations, lignes de code ou illustrations photoréalistes en quelques secondes, «à partir de leur entraînement sur un corpus donné», explique Olivier Martinez, consultant spécialisé dans l’IA et auteur d’un mémoire sur l’automatisation de la production de contenu avec l’IA (Sciences po). «Les intelligences artificielles désignent toutes les technologies utilisées pour imiter un processus cognitif humain ; dedans, il y a une branche, le machine learning, qui comprend les grands modèles de langages sur lesquels se base ChatGPT», définit-il. Grâce à son entraînement sur une base de données gigantesque, ce robot conversationnel est capable d’apporter des réponses bien plus pertinentes qu’un chatbot classique.

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