L’option est sur la table, le gouvernement ne s’en cache plus. Dans sa quête d’économies, l’exécutif pourrait en effet récupérer pas moins de 5 milliards d’euros grâce à une mesure simple, mais ô combien impopulaire : supprimer purement et simplement l’abattement fiscal de 10% réservé aux retraités. Une décision qui ferait de nombreux perdants, avec une perte pouvant grimper jusqu’à 1 855 euros par  an pour les foyers les plus imposés, selon le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). «Mais en proportionnalité, ce sont les retraites moyennes qui vont principalement être impactées», précise Olivier Janoray, avocat fiscaliste associé au cabinet Arsene.

Car qui dit suppression de l’abattement de 10% des retraités - limité à 4 399 euros par foyer fiscal - dit augmentation du revenu fiscal de référence (RFR) de ces derniers. Un RFR qui correspond précisément au montant soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Conséquence, si cette proposition est finalement retenue dans le projet de loi de finances pour 2026 examiné à l’automne au Parlement, de nombreux contribuables retraités jusque-là non imposables pourraient le devenir et voir une partie de leurs revenus, celle comprise entre 11 498 euros et 29 315 euros, taxée dans la tranche marginale d’imposition de 11%. Illustration avec un retraité touchant une pension mensuelle de 1 580 euros, soit de 18 960 euros par an, non imposable en 2025 grâce à l’abattement fiscal de 10% et au mécanisme de la décote. L’année prochaine, si la franchise de 10% est supprimée, il devra régler quelque 304 euros d’impôt.

«Avec la mise en place du prélèvement à la source, cette niche fiscale n’a plus lieu d’être»

Un autre retraité, percevant 35 000 euros de pension annuelle, règle actuellement une note de 2 615 euros. En 2026, elle pourrait alors grimper à 3 665 euros, soit 1 050 euros de plus ! Et les effets de la mesure ne se cantonneront pas au seul montant de l’impôt sur le revenu, avertit Olivier Janoray : «Sur les retraites, les taux de CSG varient en fonction du montant taxable. Si le revenu fiscal de référence augmente, le taux de CSG peut très bien augmenter aussi.» Ainsi, par effet de bord, une pension soumise à la contribution sociale généralisée au taux médian de 6,6% pourrait basculer dans le taux normal, à 8,3%.

Très pénalisante, donc pour certains retraités, la suppression de l’abattement de 10% n’en resterait pas illogique, selon l’expert. Loin de là, même : «Je ne comprends pas la pertinence de cette niche fiscale. Quand elle a été mise en place (en 1978, à l’initiative de Maurice Papon, alors député, NDLR), la réflexion était d’éviter aux retraités de payer plus d’impôt l’année qui suivait leur départ à la retraite, alors que leurs revenus avaient baissé. Avec la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, elle n’a plus lieu d’être», pointe-t-il.

Et pour l’avocat fiscaliste, le gouvernement ne devrait pas s’arrêter aux seuls retraités : «Est-ce que les 10% d’abattement pour les salariés ont encore du sens ? Cet avantage fiscal ne devrait-il pas être davantage plafonné, à 5% par exemple ? Même question pour l’abattement fiscal des journalistes de 7 650 euros par an.» Autant de mesures de justice fiscale, pour Olivier Janoray, qui propose dans le même temps de jouer sur le barème de l’impôt sur le revenu. «L’entrée dans le barème se fait-elle trop tôt ? Dans ce cas, retravaillons-le pour fixer une porte d’entrée dans l’impôt identique pour tous les contribuables», plaide-t-il.

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