Jamais la France n’avait compté autant de pauvres. C’est le constat de la dernière enquête de l’Insee, publiée le lundi 7 juillet. En 2023, 9,8 millions de personnes vivaient ainsi sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec des revenus inférieurs à 60 % du revenu médian. Ce seuil, fixé à 1 288 euros par mois pour une personne seule, est devenu la ligne rouge que 650 000 personnes supplémentaires ont franchie en 2023. En un an, le taux de pauvreté a ainsi bondi de 0,9 point, passant de 14,4 % à 15,4 %. Le «niveau le plus élevé depuis 1996, année où débute la série», alerte l’Insee.

Premières victimes : les familles monoparentales et les demandeurs d’emploi. ​​A l’inverse des retraités, qui ont été «les moins affectés» par cette explosion de la pauvreté, assurent Christelle Rieg et Arnaud Rousset, auteurs de cette enquête. Le taux de pauvreté de cette catégorie n’a augmenté «que» de 0,3 % en 2023, soit trois fois moins que le reste de la population (+0,9 %). Résultat, 11,1 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté, contre 15,4 % pour la moyenne nationale.

Des pensions de retraite revalorisées et un plus grand patrimoine

Et même si l’augmentation de ces pensions a été inférieure à l’inflation, leur niveau de vie médian a grimpé plus vite que celui de l’ensemble de la population (+1,2 %, contre +0,9 %). Leur secret ? D’abord, «les retraites du régime complémentaire Agirc-Arrco, qui ont été augmentées de 4,9 % en novembre 2023, après une hausse de 5,1 % en 2022», rappellent les experts. Mais «surtout, la progression des revenus du patrimoine».

Sans détailler la part exacte des revenus fonciers (loyers) et financiers (placements), l’Insee précise auprès de Capital que «les revenus du patrimoine ont plutôt bénéficié du dynamisme des investissements (placements et assurance-vie), ainsi que de la hausse des taux d’intérêt sur les livrets exonérés». En d’autres termes, la remontée des taux a dopé l’épargne des plus âgés, qui sont historiquement mieux dotés en patrimoine financier que les jeunes. Résultat, ces derniers ont été largement distancés par leurs aînés en termes de revenus.

Attention toutefois à ne pas généraliser trop vite. Beaucoup ne possèdent ni gros placements, ni résidence principale, ni pension dorée. Les inégalités restent marquées au sein même de cette tranche d’âge, notamment en fonction des carrières passées et du genre.