Location meublée, Airbnb : propriétaires, votre fiscalité va-t-elle encore changer en 2025 ?

Or, le Conseil d’État, saisi par plusieurs parlementaires et des organisations de professionnels du tourisme, a annulé ce correctif le 8 juillet. L’administration fiscale n’avait en effet pas le droit d’appliquer une exception contradictoire avec la loi, fut-elle adoptée par erreur ! Cette décision confirme que l’an prochain, les propriétaires bailleurs ne pourront plus bénéficier de la clémence du fisc… et devraient donc, sauf nouveau changement majeur, suivre les règles votées dans le texte de loi de 2023. «La décision du Conseil d’État ne change rien pour les propriétaires qui ont déjà déclaré cette année leurs revenus de 2023. La question qui se pose désormais, c’est comment ils seront imposés pour leurs revenus de 2024», décrypte Baptiste Bochart, juriste chez le spécialiste de la déclaration de revenus locatifs jedeclaremonmeuble.com.

La loi rabote les avantages des meublés traditionnels

Si, d’ici la fin de l’année, les règles du jeu ne sont pas à nouveau modifiées, alors les bailleurs seront imposés l’an prochain en suivant les règles du texte de loi publié en décembre 2023. En tout cas, s’ils adoptent le régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux), et non pas le régime réel d’imposition qui délivre encore d’autres types d’avantages.

Pour les propriétaires d’une location meublée classique : l’abattement forfaitaire est passé de 50% à 30% des revenus locatifs. En clair : si vous percevez 10 000 euros de loyer chaque année, au lieu de déduire 5 000 euros de revenus imposables, vous ne pourrez plus déduire que 3 000 euros. Vous serez donc imposé sur 7 000 euros (10 000 - 3 000) de revenus locatifs. Par ailleurs, ce régime pourra s’appliquer aux propriétaires s’ils perçoivent moins de 15 000 euros de revenus annuels, contre moins 77 000 euros l’an passé. S’ils dépassent la nouvelle limite, «ils devront adopter le régime réel d’imposition», explique Dan Khalifa, avocat fiscaliste spécialiste des questions patrimoniales. «Cela impliquera pour eux de tenir une comptabilité pour suivre le montant réel de leurs charges à déduire».

Des incertitudes sur certains meublés touristiques

Pour les propriétaires d’une location touristique, ça se complexifie un peu. Il faut en effet distinguer ici les locations de tourisme classées en «meublé de tourisme», et les non classées. Pour les locations touristiques non classées - que l’on retrouve en nombre sur les plateformes telles qu’Airbnb, Abritel ou Booking -, les règles qui s’appliquent seront celles des locations meublées traditionnelles. C’est-à-dire 30% d’abattement, si les revenus annuels sont inférieurs à 15 000 euros.

En revanche, pour certaines locations de tourisme «classées»il existe une exception. Les propriétaires peuvent en effet bénéficier d’un abattement supplémentaire de 21% s’ils réunissent trois critères : des revenus locatifs inférieurs à 15 000 euros annuels, un classement de leur logement comme «meublé de tourisme», et la localisation de ce logement dans une zone «non tendue». «La liste des communes non tendues n’est toutefois pas connue», précise Dan Khalifa. Ce portrait-robot correspond en réalité le plus souvent à des gîtes ruraux, estimés à plusieurs dizaines de milliers de logements.

Les autres biens «classés», mais qui ne rempliraient pas l’un des trois critères, l’abattement est aligné sur les autres locations meublées, c’est-à-dire à 30%. Le tout, si leurs revenus sont inférieurs à 15 000 euros annuels.

Problème : la rédaction de la loi actuelle est sujette à des interprétations diverses, et encore non clarifiées. Car actuellement, pour des meublés de tourisme «classés», les propriétaires bénéficient déjà d’un abattement de 71%, dans une limite de 188 000 euros annuels. Appliquer une décote supplémentaire de 21%leur permettrait donc de bénéficier d’un abattement monstre de 92% ! La loi étant floue à ce propos, il est encore impossible de savoir à ce qui ce coup de pouce fiscal doit s’appliquer «On attend le commentaire de l’administration fiscale, pour savoir si l’abattement s’applique à la base de 30%, ou alors à l’ancien abattement de 71%», explique Dan Khalifa.

Une fiscalité qui pourrait encore évoluer d’ici la fin de l’année

Toutefois, propriétaires, attendez-vous à ce que les règles énoncées ci-dessus puissent être très vite caduques. En effet, avant le big bang politique de la dissolution de l’Assemblée nationale, les sénateurs avaient adopté en mai 2024 une nouvelle loi visant à corriger les niveaux des abattements énoncés ci-dessus. Cette loi, qui devait encore passer le stade de la commission mixte paritaire entre député et sénateur, a disparu en raison de la dissolution de l’Assemblée.

Il est tout à fait possible, dans le contexte actuel, que le futur gouvernement - quelle que soit sa sensibilité politique - entende de nouveau modifier la fiscalité des locations meublées. Mais à quelle hauteur seront alors fixés les barèmes ? La réponse est plus qu’incertaine. «Le Sénat est très divisé entre les partisans de grosses restrictions sur l’abattement en régime micro-BIC, et les partisans du maintien de ses avantages», décrypte Baptiste Bochart, qui a suivi de près les débats entre sénateurs. «Les élus des territoires urbains ont plutôt tendance à vouloir restreindre fortement l’abattement, alors que les élus de territoires ruraux ont plutôt envie de faire perdurer les avantages des locations touristiques». L’incertitude restera donc encore entière pour les propriétaires, et pour un long moment.