
La ligne de production n’est pas encore bien rodée: régulièrement, elle hoquète et des ingénieurs de maintenance la mettent à l’arrêt pour optimiser les réglages. Pourtant déjà, chaque bouteille qui sort de ce grand accordéon de Coca-Cola en verre, à Grigny, dans l’Essonne, est estampillée d’une belle carte de l’Hexagone et de la mention «produit en France».
Certes, cela fait un moment que Coca-Cola Europacific Partners (CCEP), le partenaire embouteilleur local du géant d’Atlanta, affiche cette mention sur ses bouteilles destinées aux restaurants, mais alors que l’appel au boycott des produits américains menace de prendre de l’ampleur, la marque tente d’éviter les foudres des consommateurs, en rappelant que 95% des canettes et bouteilles de Sprite ou Coca-Cola consommées en France, y sont également produites.
Près de 500 millions d'euros investis en France par Coca-Cola depuis 2020
Alors que la menace se fait de plus en plus lourde à mesure que l’administration Trump multiplie les annonces, le patron de CCEP a voulu insister sur le poids économique de son entreprise dans le tissu local français. «On s’était engagés en 2020 à investir 500 millions d’euros en France, on a tenu nos engagements», a tenu à rappeler François Gay-Bellile, président de Coca-Cola Europacific Partners. Avant de prévenir que si la colère des consommateurs devait s’exprimer contre ses marques «ça impacterait une industrie essentiellement française», selon lui. Entendez les travailleurs des usines du groupe et leurs fournisseurs locaux. En France, CCEP fait tourner cinq sites de production (Clamart, Grigny, Dunkerque, Marseille et Toulouse) et emploie 2500 personnes.
Et comme Mc Donald’s qui achète sa viande bovine dans l’Hexagone, le géant d’Atlanta mise désormais sur un «ancrage local» pour l’approvisionnement de certains des ingrédients qui entrent dans la recette des Coca-Cola, Sprite ou Fuze-Tea qu’il produit. A commencer par le sucre: «100% du sucre que nous utilisons provient de betteraviers français», précise Hedi Hichri, directeur de la communication et des affaires publiques de CCEP.

L'entreprise critique la taxe soda, perçue comme un «impôt déguisé»
A date, l’entreprise dit ne voir aucun effet boycott sur ses ventes. «Pour l’instant, on ne voit pas d’impact», note François Gay-Bellile. Avant de préciser qu’il est de toute façon «beaucoup trop tôt» pour ça. D’autant qu’un autre facteur pourrait faire fléchir ses ventes et celle de l’ensemble du rayon boissons : le quasi doublement de la taxe soda. Adoptée début février à l’Assemblée nationale, cette mesure qui taxe les boissons fortement sucrées, et dont les effets arrivent en rayons, a un effet majeur sur les prix. Initialement de 17 centimes pour un litre de Coca-Cola, la taxe passe à 35 centimes. «C’est une taxe injuste et disproportionnée», «un impôt déguisé», a fustigé François Gay-Bellile. Selon ses calculs, sa collecte a rapporté 450 millions d’euros aux caisses de l’État l’an dernier et devrait rapporter 1 milliard de recettes dès l’an prochain.
Malgré ces attaques dont il se sent victime, l’embouteilleur poursuit ses investissements, donc. D’ici 2026, 146 millions d’euros auront été injectés pour doper les capacités de production du site de Grigny (Essonne) et améliorer son empreinte carbone (panneaux photovoltaïques…). Alors que l’usine de Clamart, désormais encastrée dans le tissu urbain, est condamnée à fermer d’ici quelques mois, Grigny doit prendre la relève et devenir «le nouveau centre d’excellence en Ile de France et le deuxième site européen de CCEP», prévient Xavier Brelle, directeur des projets industriels pour l’entreprise. Outre la ligne de verre consigné, inaugurée lundi 31 mars et dont les cadences doivent progressivement monter en puissance pour atteindre 60 000 bouteilles produites par heure, trois autres lignes sont en cours de construction. Même si le géant a passé l’ensemble de ses gammes pour les cafés hôtels et restaurants en verre consigné depuis 2022, ses équipes l’assument: le verre ne remplacera jamais le plastique, mais se pose en solution de complément. N'en déplaise aux ONG qui lui font la guerre, qu'on parle d'emballage en verre ou de bouteilles en plastique, pour Coca-Cola, la réduction n'est pas à l'ordre du jour. Pour le géant, la consigne pour réemploi ou recyclage est la clé.



















