Les salariés de Lactalis floués ? «Il n'y a aucun doute : la participation due aux salariés a été artificiellement érodée pendant des années et doit désormais être versée», dénoncent l’avocat Renaud Portejoie et le lanceur d’alerte Maxime Renahy dans un communiqué transmis à RTL, mardi 16 septembre. La participation, un mécanisme d’épargne salariale, permet aux employés de percevoir une part des bénéfices générés par leur entreprise. Or, selon les deux hommes, ce droit aurait été largement bafoué chez Lactalis. Le montant total des participations non versées aux salariés s'élèverait à 570 millions d'euros.

L’affaire prend sa source dans les révélations de Maxime Renahy. Dans un rapport commandé par la Confédération paysanne, le journaliste révèle il y a quelques mois un système d’évasion fiscale présumé au sein du géant de l’agroalimentaire (Président, Lactel, Bridel, La Laitière…). Ses conclusions ont été transmises au Parquet national financier (PNF), qui a depuis ouvert une enquête préliminaire pour «fraude fiscale aggravée» et «blanchiment de fraude fiscale aggravée». L’instruction est toujours en cours.

Un manque à gagner de 15 000 à 35 000 euros

Parallèlement, en décembre 2024, Lactalis a signé un protocole transactionnel avec Bercy, d’un montant de 475 millions d’euros, reconnaissant avoir sous-évalué ses bénéfices. Un aveu qui renforce aujourd’hui la position des salariés et anciens salariés du groupe, déterminés à récupérer leur part sur les résultats réels — et non minorés — des dix dernières années.

Une action collective a été lancée, pilotée par Me Portejoie, qui affirme avoir «déjà plusieurs clients» et anticipe d’autres demandes. Un site internet a été mis en ligne pour permettre aux personnes concernées de rejoindre la procédure. Selon «une estimation prudente» de l’avocat, qui souligne ne pas avoir eu accès à l'accord fiscal conclu entre Bercy et Lactalis, le manque à gagner «se situe dans une fourchette de 15 000 à 35 000 euros» pour des salariés présents sur les dix dernières années.

L'avocat a en outre indiqué à l'AFP qu'il allait écrire cette semaine au groupe Lactalis pour l'informer de ses demandes. «S'ils acceptent le principe d'un règlement, nous entrerons en négociation», sinon il entamera au nom de ses clients une procédure sociale devant le conseil des prud'hommes doublée éventuellement d'une plainte au pénal avec constitution de partie civile.

Interrogé par l'AFP, Lactalis a répondu qu'il «n'a pas connaissance d'une action de la part des salariés du groupe si ce n'est par voie de presse.» «Les organisations représentatives des salariés du groupe n'ont pas pris part à cette démarche qui relève d'une initiative isolée», souligne l'entreprise, qui assure que les dispositions de la transaction fiscale de fin 2024 «n'ont pas affecté les réserves d'intéressement et de participation des collaborateurs». Le coordinateur du syndicat CFTC pour le groupe Lactalis, Thierry Peschard, a affirmé de son côté que cette action collective était «une surprise totale». Aucun syndicat n'est, selon lui, à l'origine de cette initiative et il exclut à ce stade de s'y joindre. «Si on avait des choses à régler, on ne le ferait pas de cette façon-là. Je pense qu'il y a d'autres leviers», a-t-il dit à l'AFP.