Voilà des semaines que les travaux ont commencé et le financement du réseau ferré français tourne déjà au concours Lépine fiscal. Dans le cadre de la conférence qui se tient en ce moment sur le financement des transports, placée sous le patronage du Premier ministre, les groupes de travail phosphorent. Et la dernière proposition en date consisterait à créer une nouvelle taxe sur les billets de train afin de dégager un milliard d’euros supplémentaire par an pour porter l’enveloppe des investissements annuels sur le rail à 4,5 milliards d’euros à partir de 2027.

L’idée n’a pas franchement convaincu les associations d’usagers du rail qui pestent régulièrement contre les retards trop fréquents sur certaines lignes secondaires comme les TER (Paris-Clermont, Paris-Orléans...) et plus globalement sur la qualité du voyage de leur train du quotidien. Dans Les Échos ce matin, François Delétraz, le président de la FNAUT, un des participants aux tables rondes de la conférence s’est dit « surpris » par l’idée de cette nouvelle taxe, rappelant que «le passager du train en France est déjà celui qui paye le plus de péages, environ 40 euros sur un billet à 100 euros. De plus l’usager paye une TVA à 10%», plaide-t-il.

"Pas une position arbitrée par le Gouvernement"

Avec les grèves récurrentes qui perturbent les plans de transport et participent à creuser le fossé entre la SNCF et ses clients, l’idée de reporter encore davantage l’effort budgétaire sur les voyageurs passe mal. Mais que les usagers se rassurent, le sujet est encore loin d’être arbitré. Car les différents protagonistes ne sont déjà pas d’accord sur l’assiette de cette taxe. Les billets de TGV seront-ils compris dans le projet ? Rien n’est moins sûr. Quel serait le montant prélevé ? De premières ébauches à 1 euro par billet ne rapporteraient que 800 millions d’euros en année pleine, ce qui n’est pas assez vu les enjeux.

Le ministère des Transports s’est d’ailleurs fendu hier soir d’une petite note à l’intention des journalistes spécialisés, expliquant que la conférence doit «faire émerger des propositions», que nous «sommes face à un mur d’investissements pour moderniser le réseau ferroviaire» et «qu’il ne s’agit pas à ce stade d’une position arbitrée pas le gouvernement». Si ce n’est pas encore le freinage d’urgence, le sujet est suffisamment sensible pour temporiser.

D’autant plus que d’autres pistes sont aussi sur la table. Le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, conscient des enjeux, propose lui de profiter de la négociation à venir autour des concessions autoroutières, pour y intégrer une part de financement du réseau ferroviaire. Ce dispositif pourrait générer «a minima un milliard d'euros par an de revenus lorsque l’ensemble des concessions aura été renouvelé, soit à partir de 2036», expliquait récemment le groupe.

Attention à la "spirale négative" sur le réseau

La petite musique du retour d’une écotaxe poids lourds, notamment pour les transporteurs qui ne font que transiter à travers l’Hexagone, est aussi à l’étude. Enfin, la SNCF propose de regarder la refonte du système européen d’échange de quotas carbone (5 milliards d'euros pour la France à partir de 2027 d’après ses estimations) pour en flécher une partie vers les infrastructures de transport.

Car Jean-Pierre Farandou, qui quittera prochainement son poste a prévenu : si on ne porte pas à 4,5 milliards d’euros par an l’effort de modernisation du réseau, «c'est la spirale négative avec 4 000 kilomètres de lignes abîmées dès 2028, 10 000 en 2032. Cela veut dire des pannes, des retards, des ralentissements, c'est un cercle vicieux».