Une plongée dans les sombres méandres du Web. Voilà le programme de ma soirée d’hiver en compagnie d’Axel Dreyfus et de Jonathan Spedale. Le premier, Mozart du numérique, est le cofondateur de l’Ecole 2600 qui forme des armadas de cyberdéfenseurs. Le second excelle dans la détection des failles de sécurité et des fraudes avec sa petite société Cyber Moustache. Bref, deux pros jonglant avec d’obscurs acronymes et des concepts mystérieux, tels le “reverse spoofing” ou le “pig butchering” – pas sûre d’avoir totalement compris, malgré leurs efforts méritoires pour se mettre à mon (piètre) niveau.
100% paranoïaque
Les deux compères m’ont promis de me prouver avec quelle facilité il est possible de s’inventer une nouvelle identité et de concocter de juteuses escroqueries – à condition, certes, de maîtriser un peu la technologie. Autant le dire tout de suite : je suis ressortie de notre rendez-vous 100% paranoïaque et démangée par une furieuse envie de revenir au bon vieux temps d’avant Internet, les smartphones et les ordinateurs portables. Car la démonstration a été rapide. En cinq minutes, avec une simple photo de moi pêchée en ligne, Jonathan m’a fabriqué un joli passeport britannique grâce à l’application OnlyFake, accessible via Telegram. Pas un document papier, évidemment, mais un scan sur fond de table en marbre, largement suffisant pour réaliser de nombreuses démarches en ligne.
“Disposer d’une vraie photo n’est pas indispensable, précise Jonathan, il est possible d’en générer une par IA.” Créer un deep fake de ma voix ne lui a pas pris beaucoup plus de temps. Deux minutes de lecture à haute voix d’un article de Capital, quelques manipulations sur le site Eleven Labs (gratuit et légal), et je me suis entendue faire l’article pour une arnaque téléphonique : “Bonjour, c’est Anne. Je vous contacte aujourd’hui concernant MaPrimeRénov’. Savez-vous que l’État a mis en place une aide au chauffage cet hiver…?”
Tout est possible sur le Dark Web
Après cette mise en bouche, place aux choses sérieuses sur le Dark Web, la face clandestine de la Toile, où j’ai découvert FraudGPT. Moyennant à peine 200 euros par mois, ce jumeau maléfique de ChatGPT ouvre à ses abonnés les portes du supermarché du cybercrime, comme son cousin WormGPT. “Tout est possible, résume Axel Dreyfus : écrire du code malicieux pour créer un rançongiciel [virus qui prend un ordinateur en otage], mettre au point une attaque informatique, concevoir de fausses pages de sites légitimes, dénicher les modes opératoires d’une escroquerie, rédiger de faux e-mails très convaincants sans fautes d’orthographe ou de syntaxe, ou encore entrer en contact avec des spécialistes du blanchiment.” Avant Noël, FraudGPT, ce “bot sans limites, règles et frontières” selon ses créateurs, avait déjà été téléchargé près de 24 000 fois depuis son lancement voilà dix-huit mois.
Quelques groupes criminels utilisent cet arsenal numérique pour concocter des offres clé en main, tels les Espagnols de GXC Team. Leur produit phare : un kit permettant la détection des factures dans le courrier électronique des entreprises, puis le remplacement des Iban des fournisseurs par celui des cyberpirates. Terrifiant, non ?
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