
La France retient son souffle. En pleine crise politique et économique, François Bayrou engagera la responsabilité de son gouvernement lors d’un vote de confiance à l’Assemblée nationale le 8 septembre. Deux jours plus tard, un mouvement de grande ampleur, baptisé «Bloquons tout», appelle à paralyser le pays. Dans ce climat tendu, l’agence de notation Fitch doit rendre son verdict sur la note souveraine de la France le 12 septembre. Une éventuelle dégradation à un simple «A» constituerait un signal d’alerte inquiétant pour l’économie française.
Selon plusieurs experts, elle alourdirait sensiblement les taux d’intérêt exigés par les marchés pour financer la dette, renchérissant ainsi le coût du service de la dette publique. Une telle décision confirmerait aux investisseurs la fragilité structurelle des finances publiques françaises, érodant la confiance indispensable à la stabilité macroéconomique.
Un effet domino sur les finances publiques
Par ailleurs, une baisse de la note souveraine entraînerait mécaniquement une dégradation des notations de nombreuses entités publiques (collectivités locales, établissements parapublics, organismes sociaux), dont la solvabilité dépend directement de celle de l’Etat. Leur capacité d’emprunt s’en trouverait alors réduite, compliquant leur fonctionnement et aggravant les tensions budgétaires à tous les niveaux.
A titre de comparaison, des pays comme l’Espagne ou le Portugal bénéficient aujourd’hui d’une perception plus favorable des marchés. L’Europe du Sud - Grèce, Espagne, Portugal - a même vu ses notations relevées grâce à des finances publiques jugées plus solides et à une croissance mieux orientée, après d’importants ajustements budgétaires. Si la France venait à voir sa note dégradée, elle se retrouverait isolée dans un groupe de pays perçus comme moins solides, aux côtés de l’Italie, et risquerait de perdre encore en crédibilité financière.
Dans ce contexte, la présentation du budget 2026 constitue une étape déterminante. Conçu pour répondre à l’urgence de redresser les comptes publics, il doit ramener le déficit à 4,6% du PIB dès 2026, tout en conciliant les priorités sociales et économiques, alors même que le gouvernement Bayrou est fragilisé. Les économies envisageables s’élèvent à environ 43,8 milliards d’euros. Les arbitrages qui seront rendus dans les prochaines semaines seront essentiels à la crédibilité financière du pays, avec des conséquences directes sur l’évaluation des agences de notation et sur la perception des marchés.
Le poids des agences de notation financière
Les agences de notation jouent un rôle central car leurs évaluations conditionnent directement l’accès d’un Etat aux marchés financiers. Dans un contexte où la France doit refinancer chaque année des centaines de milliards d’euros de dette, un changement de note, même limité, peut influer sur les taux exigés par les investisseurs et donc sur la soutenabilité de ses finances publiques. Les grands gestionnaires d’actifs, les fonds souverains ou encore les banques s’appuient sur ces notes comme premier indicateur de risque avant de prêter à un Etat.
Leur influence est d’autant plus forte que la zone euro repose sur une monnaie commune, sans possibilité de dévaluation. Les agences tiennent donc compte de la capacité d’un pays à ajuster ses dépenses et à respecter les règles budgétaires européennes. En cas de doute sur cette capacité, les investisseurs peuvent rapidement se détourner d’un marché obligataire national. Pour la France, déjà confrontée à un déficit supérieur aux critères de Maastricht et à une dette dépassant 113% du PIB, le regard de Fitch, Moody’s our encore Standard & Poor’s est décisif.
Enfin, ces notations ne sont pas seulement suivies par les marchés : elles influencent aussi les décisions publiques et européennes. Une dégradation fragiliserait la position de la France dans ses discussions avec Bruxelles sur le respect des règles budgétaires, tout en compliquant l’équilibre du budget 2026. Les agences se présentent donc comme des arbitres extérieurs dont l’avis contribue à orienter la politique économique d’un pays, au-delà de son seul coût de financement.
Les mécanismes des agences de notation financière
Une batterie d’indicateurs scrutés
Pour établir leur note, Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s s’appuient sur plusieurs indicateurs. Premier critère : l’équilibre des finances publiques. Les agences examinent le poids de la dette, la marge de manœuvre budgétaire et la capacité passée d’un pays à prendre des mesures correctives. «Dans l’esprit des marchés, la France a très peu de marge de manœuvre», souligne Philippe Trainar, économiste et membre du Cercle des économistes.
Sont aussi prises en compte la charge d’intérêts et la capacité à lever de la dette. Même si ce n’est pas toujours explicite, les agences regardent aussi le solde courant, indicateur des tensions dans la zone euro et de la stabilité monétaire. A cela s’ajoute la situation sociale : un climat tendu oblige l’Etat à dépenser davantage, réduisant encore sa flexibilité budgétaire.
Enfin, certains éléments restent plus subjectifs, comme le jugement des experts ou la dimension politique. Les agences ont déjà été critiquées, notamment durant la crise grecque, où leurs dégradations avaient accentué la flambée des taux et compliqué les plans de sauvetage. Depuis, elles affirment mesurer davantage les conséquences de leurs décisions.
Une analyse à recouper
Les trois grandes agences sont anciennes : Standard & Poor’s (1860), Moody’s (1909) et Fitch (1913). Elles se sont imposées par leur indépendance, gage de crédibilité face à la tentation d’ingérence des Etats. Être noté par un acteur extérieur reste un atout pour attirer l’épargne et rassurer les marchés. Leur approche, centrée sur la logique de marché, peut être complétée par les évaluations d’organismes internationaux comme le FMI, l’OCDE ou la Commission européenne, davantage axés sur l’analyse économique. Récemment, la Commission a d’ailleurs jugé les dépenses publiques françaises «excessives». Dans ce contexte, l’avis de Standard & Poor’s et de ses homologues est d’autant plus scruté.



















