La baisse de la natalité va-t-elle chambouler les perspectives économiques du pays ? C’est ce qu’estime le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, un organisme rattaché à Matignon, dans une note publiée jeudi 4 septembre. Cette baisse va entraîner, selon lui «une marée descendante» qui va nécessiter de «travailler plus et d'automatiser davantage» et de se doter d'une «stratégie d'immigration de travail». Cette note s’appuie sur les derniers chiffres de l'Insee qui ont fait état d'un solde naturel de population négatif sur douze mois glissants. C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

«La baisse continue et marquée des naissances depuis plus d’une dizaine d’années fait basculer la France dans un nouveau régime démographique qui bouscule les perspectives économiques à moyen terme», relève l'économiste Maxime Sbaihi dans cette note. Il ajoute : «Au-delà des maternités, la dénatalité est une marée descendante qui se fait déjà ressentir sur les bancs des écoles et des collèges, elle atteint aujourd’hui les lycées, demain l’enseignement supérieur et bientôt le marché du travail.»

«Marée descendante» sur le marché du travail

Dans le détail, les écoles primaires ont ainsi perdu plus d’un demi-million d’élèves sur les dix dernières années et elles devraient en perdre 284 000 supplémentaires d’ici 2028, portant la baisse totale des effectifs à 13% depuis 2015, peut-on lire. La dénatalité devrait de la même manière impacter les effectifs de l’enseignement supérieur à partir de 2029, avec une baisse plus prononcée à partir de 2033. Sans surprise, l'impact de la «marée descendante» va également se faire ressentir sur le marché du travail. La population active continue certes de croître, mais «à un rythme toujours plus faible, ce qui annonce une décroissance sur la prochaine décennie, à politique inchangée», écrit Maxime Sbaihi.

Face à ces constats, la France dispose de plusieurs leviers «pour adapter son économie à une démographie passée de vent porteur à vent contraire : travailler plus, automatiser davantage, accueillir mieux». Si le développement de la robotique dans certains secteurs permettrait quant à lui «d’amortir le choc» et de compenser une partie de la pénurie de main-d’œuvre, le Haut-commissariat estime que la France «gagnerait à se doter d’une stratégie d’immigration de travail». Certains pays voisins auraient d’ailleurs «choisi de compenser un solde naturel négatif par un solde migratoire positif en recrutant à l’étranger selon des critères économiques correspondant» à leurs besoins nationaux.

L’immigration de travail, «pas la solution miracle»

Une solution possible que ne partage pas totalement le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID). Sur BFMTV, Nicolas Pouvreau Monti précise que «l’immigration de travail n'est pas la solution miracle au déclin de la population active». Selon lui, cette solution de l’immigration de travail proposée par Maxime Sbaihi est «en tension avec les deux autres qui sont beaucoup plus structurelles». Il faut pour lui savoir si «les actifs ne travaillent pas assez aujourd’hui» ou s’il «n’y a pas assez d’actifs».

3,5 millions d’immigrés actifs sur le marché du travail

Il ajoute que la France a un taux d’emploi d’immigrés qui est le plus faible d’Europe. Il y a actuellement en France 1,7 million d’immigrés qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni à la retraite, et sur tous ceux entrés en France en 2023, à peine un sur trois était en emploi l’année suivante.

Selon les chiffres détaillés du ministère de l’Intérieur, il y avait en 2023 cinq millions d’immigrés (15 à 64 ans) vivant en France, et parmi eux, 3,5 millions étaient actifs sur le marché du travail. Ils représentent 12% de la population active en France. «70% des immigrés sont actifs en 2023», indique donc de son côté le ministère. En revanche, parmi les actifs, le taux de chômage des immigrés (11%) est quatre points plus élevé que celui des non-immigrés (7%).