Unibody en aluminium, verre céramique, titane… Apple a souvent fait de l'innovation matérielle un levier de différenciation. Pourtant, depuis quinze ans, un alliage particulier sommeille dans ses cartons : le Liquidmetal. Un nom intrigant pour une technologie qui n'a jamais vraiment percé, malgré des propriétés spectaculaires sur le papier. L'iPhone pliable, supposément en développement, pourrait changer la donne.

Un métal qui se comporte comme du verre et du plastique

Le Liquidmetal n'a rien à voir avec du mercure. Ce matériau, développé dans les années 1990 par des chercheurs du California Institute of Technology, est un alliage métallique amorphe. C'est-à-dire qu'il est dépourvu de structure cristalline. Contrairement à l'aluminium ou l'acier, dont les atomes s'organisent en motifs répétitifs, ceux du Liquidmetal restent désordonnés. Cette particularité lui confère des caractéristiques uniques.

D'abord, il a une résistance hors norme, 1,5 fois plus dur que l'acier inoxydable, 2,5 fois plus résistant que les alliages de titane grand public. Ensuite, il bénéficie d'une élasticité remarquable : il peut se déformer et revenir à sa forme initiale sans se rompre. Il résiste également à la corrosion et ne s'oxyde pas. Enfin, il se travaille à relativement basse température — autour de 400 °C — et peut être moulé comme du plastique, tout en refroidissant assez vite pour conserver sa structure amorphe.

Ces qualités ont permis au Liquidmetal de trouver sa place dans d'autres domaines. L'équipement médical, la défense ou encore les têtes de clubs de golf, où son élasticité fait merveille, par exemple.

Un contrat d'exclusivité… et quinze ans d'immobilisme

Apple a flairé le potentiel dès 2010. Cette année-là, la marque signe un accord d'exclusivité de 20 millions de dollars avec Liquidmetal Technologies. L'enjeu ? Explorer l'utilisation de cet alliage dans ses produits électroniques. L'accord est renouvelé plusieurs fois, au moins jusqu'en 2015, et Apple dépose de nombreux brevets : moulage par contre-gravité, fabrication couche par couche type impression 3D, surfaces tactiles…

Pourtant, quinze ans plus tard, le bilan est maigre. La seule apparition commerciale du Liquidmetal chez Apple ? Un éjecteur de carte SIM, fourni avec les iPhone et iPad 3G en 2010. Un accessoire jetable, certes étonnamment solide, mais difficile à qualifier de produit…

Mais alors, pourquoi tant d'investissements pour si peu de résultats ? Les raisons sont multiples. D'abord, les coûts de production élevés. Ensuite, les défis de fabrication à grande échelle : le Liquidmetal se travaille bien en pièces fines, mais devient cassant en épaisseur. Enfin, Apple a peut-être tout simplement attendu le bon produit pour justifier son déploiement.

La charnière du futur iPhone pliable en ligne de mire ?

Ce produit, ce serait potentiellement "l'iPhone Fold". Selon l'analyste Ming-Chi Kuo, Apple prévoit d'utiliser du Liquidmetal pour les roulements de la charnière de son premier smartphone pliable. La charnière est le point faible des appareils pliants, car elle est soumise à des milliers de cycles de pliage. Elle doit être légère, résistante et souple. Or, le Liquidmetal coche toutes les cases.

Un leaker chinois réputé, Instant Digital, a confirmé sur Weibo que la charnière reposerait sur un alliage amorphe à base de titane, offrant "une meilleure résistance à la flexion, à la déformation et aux chocs".

Fini le pli des écrans pliables ?

Le Liquidmetal permettra-t-il de supprimer le fameux pli visible sur les écrans pliables actuels, talon d'Achille de Samsung et consorts ? La réponse est non, cela semble impossible. Le matériau pourra améliorer la résistance de la charnière et limiter l'usure, mais n'effacera pas le pli de l'écran flexible. Apple devra donc trouver d'autres solutions — sans doute du côté de l'écran lui-même — pour tenir sa promesse d'un affichage impeccable.

Il est également peu probable qu'Apple utilise le Liquidmetal pour l'intégralité du châssis. Il pourrait rester cantonné aux composants critiques comme la charnière. Cette approche prudente limite les risques de déploiement massif d'une technologie encore peu maîtrisée à grande échelle.