La voiture électrique pas chère, oui, mais attention au retour de bâton ! Le leasing social, ce coup de pouce gouvernemental qui permet aux foyers les plus modestes de rouler en véhicule électrique neuf pour environ 100 euros par mois revient en 2025. Mais après cette annonce de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher du 31 mars, les langues commencent à se délier. «Une voiture neuve à 100 euros, ça n’existe pas», commentait ainsi Jean-Philippe Imparato, directeur de Stellantis Europe, sur LinkedIn mardi dernier. «Une excellente initiative, [...] mais nous savons tous que les loyers proposés dans le cadre de cette offre sont artificiels, le fruit d’un soutien exceptionnel et d’une valeur de reprise extraordinaire» de la part des concessionnaires, précisait aussi Vincent Salimon, le patron de BMW-Mini en France. Qui demande d’ailleurs à L’État de ne pas renouveler les erreurs, surtout à grand renfort de communication, pour «éviter l’effet boomerang douloureux à l'échéance des contrats»

Ce leasing social, quelle «boucherie» !

Qu’en est-il exactement ? L’année dernière, la première édition avait permis à 50 000 ménages d’accéder à cette offre de location avec option d’achat (LOA) de trois ans à bas coût, boostant ainsi les ventes de voitures électriques neuves en France, avant d’être suspendue au bout de quelques semaines au vu de son succès. Les bénéficiaires ne manquaient pas de nous faire savoir leur enthousiasme et les constructeurs de se targuer d’avoir pu contribuer à l’effort national. Finalement, avec du recul, certains craignent que le leasing social soit «une véritable boucherie» lors des retours de location début 2027, comme une marque automobile a pu nous le faire savoir. «Socialement, je ne vois pas vraiment ce qu’il va se passer pour les clients qui vont revenir en concession restituer leur voiture. Nous leur avons mis une voiture neuve entre leurs mains et donné accès à la mobilité, et nous leur demandons de nous la rendre, et nous faisons quoi après pour eux ?», se demande le patron.

Effectivement, il est peu probable que les concessionnaires leur proposent ensuite des offres aussi avantageuses. Pour rappel, le leasing social est porté par quatre acteurs, le gouvernement, le constructeur, le concessionnaire et le loueur. En 2024, chaque véhicule éligible bénéficiait d’une subvention de 13 000 euros (bonus écologique majoré + 5 000 euros spécifiques au leasing social). Ces subventions permettaient aux constructeurs de proposer des modèles électriques neufs à des tarifs allant de 40 à 150 euros par mois. Mais les clients vont devoir mettre la main au portefeuille pour, soit conserver leur auto avec un autre contrat de location aux tarifs dits normaux, soit racheter un véhicule, probablement d'occasion… Il y a aussi le risque de se retrouver carrément sans moyen de locomotion.

Payer des milliers d’euros pour restituer sa voiture en leasing

Les bénéficiaires du leasing social seront peut-être aussi perdants sur un point, l’état de la voiture électrique après trois ans de contrat comme défini dans le leasing social. On vous explique. Dans le cadre d’une LOA, tout véhicule doit être restitué à votre concessionnaire qui vous l’a vendu. À ce moment précis, vous avez aussi la possibilité de lever l’option d’achat pour acquérir la voiture en payant sa valeur résiduelle (valeur de revente d’un véhicule après un certain temps et de kilométrage, avec différentes combinaisons de calcul), déjà définie dans le contrat de leasing auto, soit de la restituer. Des frais peuvent vous être facturés si vous optez pour la restitution et non le rachat. Certes, le surcoût n'est pas systématique, vous pouvez effectivement rendre le véhicule en ne déboursant rien, mais les repreneurs (concessionnaire, loueur ou votre organisme de financement) vont procéder à l’inspection générale du véhicule. Tout sera passé au crible, les portes, le pare-brise, les optiques, les sièges, etc. Et c’est là que cela peut faire mal, car si des dommages éventuels ou d’usure anormale sont détectés, vous pouvez dès lors être susceptible de payer des coûts supplémentaires à la restitution. Vincent Salimon, patron de BMW-Mini en France, ajoutait, que «les bénéficiaires ont bien un cahier des charges à respecter en rendant leur voiture, si la carrosserie ou les jantes sont en mauvais état, cela pourrait leur coûter quelques milliers d’euros, peut-être plus que le coût total de la location de la voiture…»

Des véhicules électriques à prix bradés ?

Autre conséquence : la vague de retours des véhicules électriques, qui s’étendra de janvier à février 2027, aura finalement un effet d’aubaine pour d’autres automobilistes que les bénéficiaires. «Tout va rentrer en masse», nous dit une autre marque automobile, qui se demande comment ses concessionnaires vont pouvoir gérer ces stocks de véhicules qui seront revendus en occasion à la fin du leasing. Car, tous les professionnels du dispositif vont devoir composer avec la dépréciation de la valeur des voitures électriques qui reviennent, au vu de la valeur résiduelle surestimée pour atteindre ces fameux 100 euros de loyers mensuels. Le syndicat automobile Mobilians assure même «s’attendre à de très importantes difficultés de recommercialisation des véhicules d’occasion pour les professionnels, ces véhicules se retrouvant dé-positionnés face à des véhicules neufs qui concentrent les moyens commerciaux, en particulier sur les véhicules électriques». Pour vendre et se débarrasser de ces occasions, les concessionnaires vont sûrement afficher des prix inférieurs aux estimations ou même carrément les brader. Et cela fera d’autres heureux.

>> Ne ratez rien de l’actualité de l’automobile en vous abonnant à notre newsletter auto