Mépris, étouffement, taxes, inflation, instabilité ou encore déclassement : pour sa conférence événement, organisée lundi soir, Eric Larchevêque a voulu planter le décor, plutôt sombre, en faisant défiler ces mots-clés sur écran noir… Le décor d’un monde financier en roue libre, où les politiques monétaires sont devenues hors de contrôle, et où l’Etat ponctionne toujours plus la création de valeur. Faisant de l’entrepreneur «une variable d’ajustement» du système. Après ses critiques répétées contre la taxe Zucman, ou l’hystérie fiscale en cours, certains observateurs soupçonnaient même le cofondateur de Ledger de vouloir quitter la France. Quand d’autres le voyaient tout simplement se présenter à la prochaine élection présidentielle !

Eh bien ce ne sera ni l’un ni l’autre : le juré de l’émission «Qui veut être mon associé» a en effet décidé, en compagnie de son associé Nathan Benchimol, de s’introduire en Bourse. Ou plutôt de reprendre la Société de Tayninh, une foncière cotée en Bourse appartenant au groupe Unibail-Rodamco-Westfield, devenue coquille vide depuis plusieurs années. Une manière d’aller plus vite, par rapport à une cotation ex nihilo. «Nous avons gagné un an sur le lancement», assure Eric Larchevêque, qui présente son initiative comme «une solution entrepreneuriale radicale».

A l’issue de l’OPA actuellement en cours, l’entreprise, rebaptisée The Bitcoin Society (TBSO), affichera pas moins de trois activités. D’abord celle d’une «Bitcoin Treasury Company», c’est-à-dire d’une société achetant des bitcoins, pour se constituer un trésor de guerre, à travers des levées de fonds successives auprès de ses actionnaires. Cela permettra aux futurs investisseurs de s’exposer facilement au bitcoin, via un véhicule régulé, parfois même à travers leur PEA ! «Il faut lever les barrières à l’adoption du Bitcoin», a martelé Eric Larchevêque. TBSO ne sera toutefois pas une Bitcoin Treasury Company comme les autres. D’abord parce qu’elle compte défendre un projet global, celui de changer le système financier, et de concurrencer les monnaies traditionnelles. Mais la société travaillera aussi tout particulièrement sa manière d’accumuler des bitcoins, pour lutter contre l’effet de dilution des augmentations de capital. Selon Eric Larchevêque, il est envisageable, pour ce type d’entreprises, «d’obtenir 10 à 12% d’exposition supplémentaire au bitcoin, en un an». L’OPA sur la société étant toujours en cours, Eric Larchevêque n’a toutefois pas pu donner plus de détails sur les objectifs de collecte de son coffre-fort à Bitcoins. Le projet prend toutefois place alors que le cours du Bitcoin est en chute, et s'éloigne nettement de son record historique à 124 000 dollars, enregistré début octobre.

Mais ce n’est pas tout : The Bitcoin Society entend aussi devenir une «Network Society», en constituant un vaste réseau d’entrepreneurs, de travailleurs indépendants mais aussi de salariés, tous soucieux de défendre la création de valeur et la liberté d’entreprendre. A l’échelle mondiale, cette communauté constituerait déjà un «pays» qui se classerait dans le Top 5 mondial, selon le spécialiste. Grâce à ce réseau, il s’agira pour TBSO, ensuite, de porter le message de la liberté d’entreprendre, et d’aller discuter auprès des gouvernements. Ce lobbying d’un nouveau genre permettrait de peser sur le débat public et de lutter contre cette société où, selon celui qui se définit comme un libertarien partisan du «moins d’Etat pour mieux d’Etat», «on a oublié d’où venait la richesse», et où «la subvention est plus célébrée que la création». L’idée serait, entre autres, d’agréger le patrimoine des membres du réseau, pour montrer le poids de cette communauté, et obtenir des mesures fiscales. Un projet que l’entrepreneur décrit comme «ni politique, ni utopique». Et pour lequel il peut d’ores et déjà compter sur Tony Parker. L’ex-basketteur, au réseau international étoffé, était présent hier soir.

The Bitcoin Society entend aussi devenir une "network society", réunissant des entrepreneurs du monde entier.
The Bitcoin Society entend aussi devenir une "network society", réunissant des entrepreneurs du monde entier. © Julien Bouyssou

Enfin, The Bitcoin Society développera aussi une activité de club d’investissement (sous la forme de Day One, qui existe déjà), et de club d’entrepreneurs. Réunissant une quarantaine d’experts en création d’entreprise, ce club SKL sera lancé le 9 décembre prochain. Chacun de ces clubs sera accessible via un abonnement annuel. Autant de paiements qui constitueront des ressources propres pour TBSO. Décidément atypique, ce projet devrait en tout cas être mené d’une main ferme par Eric Larchevêque : celui-ci a en effet choisi pour TBSO la forme juridique d’une société en commandite par actions, qui lui permettra d’en garder le contrôle total, même s’il ne dispose plus de la majorité du capital.