Elle s’est mise à la cuisine «par gourmandise». Celle qui comptabilise aujourd’hui plus de 105 000 abonnés sur Instagram avait l’habitude de cuisiner pour des amis étudiants qu’elle recevait dans sa colocation en 2009 : «Je pouvais faire à manger pour tout le monde, mais chacun devait ramener sa chaise car je n’en avais pas assez !», se souvient encore Anne-Sophie Vidal. La même année, cette passionnée de cuisine lance son blog, fashioncoocking, tout en travaillant pour une plateforme d’e-commerce qu’elle abandonne rapidement. Elle se consacre entièrement à l’influence culinaire à Londres, où elle vit de 2011 à 2017, et participe, enceinte, à l’émission Le Meilleur Pâtissier en 2014, dont elle sort gagnante.

«Pendant l’émission, je me disais “Je suis peut-être en train de rater mon gâteau mais je porte la vie”», ce qui lui a permis de relativiser face à ses adversaires dans l’émission. En 2023, elle décide de mettre fin à l’influence culinaire sponsorisée par des marques pour se consacrer entièrement à sa nouvelle marque d’ustensiles de cuisine design, utiles et durables : CASAVIDA. Son mari l'a suivie dans cette aventure entrepreneuriale en devenant son associé, bien qu'il soit largement minoritaire. Anne-Sophie Vidal, mère de 3 enfants, nous explique comment elle a réussi à concilier vie familiale et carrière entrepreneuriale.

Capital : Être une mère de famille dans le milieu culinaire, est-ce une force ou un boulet au pied ?

Anne-Sophie Vidal : J’en ai fait une force ! Après avoir gagné Le Meilleur Pâtissier, j’aurais pu devenir cuisinière professionnelle, mais j’ai refusé. Le rythme de travail est très dur, d’abord physiquement, car on est toujours debout, puis en raison des horaires qui sont très variables. Ce n’est pas compatible avec une vie de famille. J’ai donc préféré rester dans une cuisine dite «ménagère», à destination des familles. Le fait d’être mère m’a aidé et m’aide encore beaucoup : les utilisatrices qui regardent mes contenus culinaires peuvent se reconnaître en moi puisqu’elles sont aussi mamans ! Cela a été très visible pendant les confinements liés au Covid, lors desquels je faisais trois lives par semaine sur Instagram avec mes enfants pour cuisiner. Le nombre de mes abonnements a explosé.

Quel est le rôle de votre mari, associé minoritaire de CASAVIDA, la marque d'ustensiles de cuisine que vous avez créée en 2023 ?

Casavida occupe un tiers de son temps professionnel. Il s'occupe principalement de la partie gestion et finance sur laquelle il a une réelle expertise complémentaire à mes compétences. Nous avons opté pour une répartition du capital à 80% / 20%, ce qui reflète nos implications et prises de risques respectives sur ce projet. En tant que fondatrice, il était important pour moi d'être majoritaire au capital de l'entreprise, à moyen terme. Mon mari me soutient dans cette stratégie, sans se sentir lésé en tant qu'associé et conjoint. Pour l'instant, nous avons misé sur l'auto-financement sans nous fermer des portes pour autant: un partenaire stratégique, au moment opportun, pourrait être le bienvenu !

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Travailler avec votre mari, un pari risqué ?

Dans le milieu entrepreneurial, on dit que trouver un bon associé est plus difficile que de trouver un bon conjoint ou une bonne conjointe. Il y a ce préjugé selon lequel intégrer la vie personnelle dans le domaine professionnel est dangereux, alors que ce n’est pas forcément le cas. Nous, nous nous sommes basés sur des projets que nous avions déjà menés en couple et que nous avions réussis, comme des rénovations d’appartements. Donc, nous savions déjà que nous étions complémentaires dans le travail. Et puis, il y a aussi la question de la confiance, très importante avec un associé. Par exemple, deux femmes ayant à peu près le même profil et travaillant ensemble peuvent se livrer à une guerre d’ego. Moi, je n’ai pas peur que mon mari me plante un couteau dans le dos ; nous nous faisons confiance à 100 %.

Quels sont vos conseils pour maintenir l'harmonie dans le couple lorsque l'on travaille ensemble ?

Il y a deux schémas possibles. Soit le couple a déjà un historique de travail en commun, auquel cas les partenaires savent que cela se passera bien, soit ce n’est pas le cas. Je leur conseille alors de suivre des coachings de couple, une sorte de préparation à l’association professionnelle. Sans cela, il y a un risque de désaccord sur la vision de l’entreprise, de problèmes de communication, de ne pas supporter la pression ou de ne parler que de travail au sein du couple. Je pense qu’un business en couple qui tourne mal peut détruire la relation, tout comme un business entre deux meilleurs amis peut anéantir leur amitié. Il faut bien retenir qu’une association, c’est comme un mariage, mais sans les côtés positifs ! Ce n’est que pression et travail.

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Vous étiez enceinte lorsque vous avez participé au Meilleur Pâtissier en 2014, et vous travaillez avec votre mari tout en vous occupant de trois enfants. Le fait de mêler vie personnelle et professionnelle a-t-il déjà été un obstacle pour vous ?

Oui, j’ai vécu une période très difficile après ma troisième grossesse. Il y a eu un moment où je n’arrivais plus à mettre de barrière entre ma vie personnelle et professionnelle. J’avais l’impression de ne pas avoir assez de temps pour travailler, et de ne pas pouvoir m’occuper pleinement de mes enfants non plus. En gros, j’avais l’impression de tout faire mal. J’ai fait appel à un coach personnel qui m’a aidée à gérer ma vie professionnelle. C’est à ce moment-là que j’ai arrêté l’influence culinaire pour me consacrer pleinement à ma marque. Il faut faire très attention car, quand on est entrepreneure, on vit par notre boîte, donc ça peut vite prendre tout notre temps. La clé, c’est de se fixer des limites.