Briser le tabou des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. C’est ce qu’estiment avoir fait les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer, dans leur rapport rendu le 3 octobre au gouvernement sur les salaires et le coût du travail. Et ce, en mettant fin à une politique vieille de 30 ans «consistant à sans cesse renforcer les exonérations sur les bas salaires», écrivent-ils. Et l’exécutif s’est fortement inspiré de leurs travaux pour concocter une refonte du système actuel d’allègements de cotisations sociales patronales, dans le but d’inciter les employeurs à revaloriser les bas salaires.

Rappel d’importance, avant de détailler davantage le projet de réforme du gouvernement : aujourd’hui, il existe trois seuils en matière d’exonérations de charges patronales. Un premier, fixé à 1,6 Smic, concerne les bas salaires (près de 40% d’allègements au niveau du Smic puis un taux dégressif jusqu’à 1,6 Smic) ; un deuxième est établi à 2,5 Smic (baisse de 6 points de la cotisation d’Assurance maladie, qu’on appelle le «bandeau maladie») ; un dernier à 3,5 Smic (réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales, aussi surnommée le «bandeau famille»).

Un coût avoisinant les 80 milliards d’euros pour les exonérations de cotisations patronales

Résultat de cet empilement d’allègements de charges sur les salaires versés par les patrons français : une facture de près de 80 milliards d’euros en 2023 pour les finances publiques. Surtout, les exonérations étant beaucoup plus fortes au niveau du Smic et juste au-dessus, les employeurs n’ont que peu d’intérêt à augmenter les salariés aux plus faibles rémunérations, l’opération leur coûtant très cher (jusqu’à près de 600 euros au total pour revaloriser de 100 euros net par mois un salarié payé légèrement au-dessus du Smic). Une situation qui «accentue les risques que le Smic soit un “salaire à vie”», estime le gouvernement dans le dossier de presse accompagnant la publication du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, ce jeudi 10 octobre.

Le projet de budget de la Sécu pour 2025 prévoit une réforme du système actuel en deux étapes. Cette transition se fera graduellement dans le but de «permettre aux entreprises de s’adapter et de protéger l’emploi», a justifié Astrid Panosyan-Bouvet, lors de la présentation du PLFSS, ce jeudi. La philosophie générale est donc de «favoriser le dynamisme de la progression des salaires tout en préservant l’emploi», a ajouté la ministre du Travail. Une première étape sera enclenchée dès le 1er janvier prochain, avec une baisse de deux points de pourcentage des exonérations au niveau du Smic. Autrement dit, avec une augmentation du coût du travail (le coût d’un salarié pour un employeur) au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. A la même date, le point de sortie du «bandeau maladie» sera abaissé de 2,5 à 2,2 Smic et celui du «bandeau famille» de 3,5 à 3,2 Smic. Cela signifie donc que les charges patronales sur les salaires supérieurs à 2,2 Smic puis à 3,2 Smic seront plus importantes qu’aujourd’hui.

Vers un dispositif d’exonération unique à compter de 2026

La deuxième étape se fera le 1er janvier 2026 avec, notamment, une nouvelle baisse de deux points des exonérations accordées au niveau du Smic. Dans le même temps, un dispositif «unique» sera créé à partir de la fusion de tous ceux existants aujourd’hui au-delà du Smic. Celui-ci «continuera de réduire les cotisations patronales pour des rémunérations allant jusqu’à 3 Smic», précise le gouvernement dans l’exposé des motifs de l’article du projet de budget de la Sécu pour 2025 encadrant cette réforme. En clair, il n’y aura plus d’allègements généraux de charges pour les employeurs sur les salaires supérieurs à 3 Smic. En revanche, les exonérations seront intensifiées entre 1,3 et 1,8 Smic, pour inciter les employeurs à augmenter leurs salariés à ce niveau-là.

Une telle réforme permettra de dégager, dès 2025, 4 milliards d’euros d’économies nettes. Ces dernières seront affectées aux branches maladie, vieillesse et famille.