Passer Noël au chaud mérite bien quelques entorses à ses habitudes. Y compris chez les inflexibles Allemands, qui d’ordinaire n’odorisent leur gaz qu’au dernier moment, avant de le distribuer aux particuliers, pour préserver la qualité de leur production industrielle. Nos voisins devront donc s’accoutumer aux relents soufrés du nôtre, qui, pour des raisons de sécurité, subit cette opération dès l’amont.

Nous avons en effet promis de le leur fournir, dès cet hiver, à travers des tuyaux passant sous la frontière mosellane, si jamais Vladimir Poutine devait mettre à exécution sa menace de couper tous les approvisionnements, via le gazoduc Nord Stream. Mine de rien, en saturant de la sorte nos propres capacités d’exportation, nous pourrions leur envoyer jusqu’à 130 gigawattheures d’énergie par jour, soit environ 2% de leur consommation.

A priori, nous pouvons nous permettre cette largesse: après tout, nous ne dépendons qu’à hauteur de 17% de la Russie pour notre consommation de gaz, contre 50% côté allemand. Consommation qui, elle-même, ne pèse que 16% de nos besoins d’énergie primaire. D’après la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, nos stocks pour l’hiver sont de plus bien garnis, à hauteur de 80% cet été, alors même que les Russes avaient réduit le débit de Nord Stream à 40%, puis 20%.

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Ces réserves devraient même être pleines avant le 1er novembre. De quoi sécuriser un quart de notre consommation de gaz, notamment pour les 12 millions de foyers qui se chauffent avec. «Les règles du plan REPowerEU fixent d’ailleurs un objectif commun de remplissage à 80%, pour l’entrée dans l’hiver, signale Anna Creti, professeure d’économie à l’université Paris Dauphine-PSL. Ce qui n’empêchera pas de faire jouer le principe de solidarité énergétique.» C’est justement dans le cadre de ce plan d’urgence que la France a obtenu de ne devoir réduire sa consommation de gaz que de 7% dans les huit mois à venir, au lieu des 15% initialement voulus par la Commission.

Les températures sibériennes pourraient donc venir? Ce serait oublier un peu vite que notre parc nucléaire, lui, a connu des jours meilleurs. Cet été, plus de la moitié des 56 centrales étaient en effet à l’arrêt, alors même qu’elles représentent 70% de l’électricité produite dans l’Hexagone! Plusieurs raisons à cela: en plus des pauses régulières pour recharger les réacteurs, des visites de contrôle décennales sont effectuées, selon un calendrier établi à l’avance. Pour la plupart de nos centrales, construites dans les années 1980, c’est aussi l’heure du grand carénage, cet examen approfondi, nécessaire pour prolonger leur durée de vie au-delà de quarante ans. Une maintenance qui a successivement été reportée pour cause de Covid-19, puis de traces de corrosion, détectées au sein de 12 réacteurs supplémentaires.

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