
Dans l’esprit des investisseurs, les actions technologiques américaines sont très exposées à la Chine, tant comme consommateur que fournisseur. Conséquence, à chaque soubresaut de la guerre commerciale sino-américaine, ce sont les premières à chuter. La réalité est pourtant tout autre.
Une faible exposition au consommateur chinois
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les entreprises technologiques américaines réalisent en majorité leur chiffre d’affaires sur leur marché domestique, avec une exposition faible à la Chine qui varie entre 15% et 25%. Prenons Nvidia, qui était historiquement très dépendant de la demande chinoise. Au printemps dernier, l’administration Trump a imposé des restrictions aux exportations pour la puce H20, très populaire en Chine. C’était une source importante de rentrées d’argent pour Nvidia. Pour autant, l’entreprise s’en est très bien sortie au deuxième trimestre avec un chiffre d’affaires record à 46,7 milliards de dollars. Il devrait grimper à 55 milliards de dollars au troisième trimestre. Tout cela, sans vendre une seule puce en Chine ! Nvidia a tout simplement trouvé de nouveaux débouchés. Un signe évident de résilience.
Certains acteurs technologiques américains sont même tout simplement absents de Chine. Netflix, qui a eu un temps des velléités d’expansion, a jeté l’éponge en 2016 – un choix stratégique certainement judicieux a posteriori.
Des chaînes d’approvisionnement américaines moins vulnérables
Quid des intrants dans le cycle de production ? Comme tous les grands pays développés, les Etats-Unis avaient une filière intégrée de métaux stratégiques pendant des décennies. Celle-ci fut démantelée au début des années 1990 lorsque la priorité a été donnée aux services au détriment de l’industrie. A cette époque, la pensée économique dominante reposait sur l’idée que chaque pays doit être spécialisé dans ce qu’il sait faire le mieux, au coût le plus faible.
C’est alors que la Chine s’est concentrée sur l’exploitation des minerais. Heureusement, les Etats-Unis font marche arrière aujourd’hui. Prenons Apple qui a besoin d’yttrium et de dysprosium pour ses iPhones. Ces terres rares sont surtout présentes en Chine et dans quelques autres pays, pas toujours alliés des Etats-Unis. Aidée par le gouvernement américain, la marque à la pomme mise sur le raffinage de terres rares sur le sol américain et sur le recyclage – avec son robot Daisy qui extrait les composants stratégiques d’1,2 million de smartphones par an - pour réduire sa dépendance à la Chine. Et ce sera certainement un succès. En 2023, Apple s’était engagé à utiliser 100% de cobalt recyclé dans les batteries de ses appareils d’ici 2025. Pari réussi !
Le 9 octobre, Pékin a serré un peu plus la bride en annonçant que tout produit contenant plus de 0,1% de terres rares d’origine chinoise devra obtenir son feu vert avant d’être exporté. Ce n’est pas indolore évidemment. Mais il y a trois bonnes nouvelles. Les grandes entreprises américaines ont constitué des stocks stratégiques, ce qui évite toute interruption de la chaîne de production. Le secteur des semi-conducteurs n’est pas concerné par ces nouvelles mesures. Nvidia est à l’abri, par exemple. Enfin, on peut espérer que ces restrictions, effectives à partir du 1er décembre, ne seront jamais mises en œuvre.
La guerre commerciale sino-américaine nous a habitués à beaucoup de retours en arrière. C’est ce qui pourrait se passer à propos des terres rares. Les Présidents chinois et américain doivent se rencontrer à Budapest la semaine prochaine. Il n’est pas improbable que la Chine revienne au régime de licence sur les terres rares qui s’appliquait avant le 9 octobre. En échange, l’administration Trump pourrait annuler les taxes douanières américaines de 100% sur les entreprises pharmaceutiques, qui ont souvent des usines en Chine. Tout le monde y trouvera son compte. Cela laissera un peu plus de temps aux Etats-Unis pour consolider leur chaîne d’approvisionnement. Quant à la Chine, elle ne peut pas mener de front deux batailles : la guerre commerciale et la guerre de succession à couteaux tirés pour prendre la suite du Président Xi Jinping.

















