C'est une arrivée dans le monde pour le moins inhabituelle. Une guêpe émeraude qui jaillit hors du corps d'un cafard zombifié qu'elle a dévoré de l'intérieur. Cette scène compte parmi les exemples les plus horribles de la nature. Pour donner à ses larves le meilleur départ dans la vie, la maman guêpe, un parasite de quelques centimètres de long vêtu d'une armure irisée, attaque sa proie en la transperçant avec son dard de deux millimètres et en injectant des produits chimiques sédatifs dans le thorax du cafard. Elle poignarde une deuxième fois sa victime au niveau de la tête, passant à travers les muscles et les tubes digestifs, afin d'injecter du venin à l'endroit exact où se situe le minuscule cerveau du cafard.

Ainsi, sa victime est transformée en une marionnette obéissante. Après avoir piqué le bout de l'antenne du cafard, la guêpe peut disposer de l'insecte à sa guise. En s'abritant dans un endroit isolé, elle pond un oeuf sur la patte de l'insecte laissant ainsi à son petit un monticule de chair passif mais toujours vivant, deux fois plus grand que lui, pour se nourrir. Avec le temps, la larve se métamorphosera à l'intérieur de sa patte et sortira de son exosquelette une fois arrivée à maturité. Elle sera alors prête à répéter ce processus macabre pour la prochaine génération. Lorsque Charles Darwin a observé ce cycle de reproduction de la guêpe, il a écrit que cela suffisait à le faire de douter de l'existence d'un Dieu aimant. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher d'admirer la complexité de ce spectacle reproductif horrifique.

Aujourd'hui, comme l'explique le journaliste Ed Yong dans son livre-enquête sur la perception animale intitulé "An Immense World : How Animal Senses Reveal the Hidden Realms Around Us", nous pouvons aller bien plus loin dans ce processus que Charles Darwin n'aurait pu le rêver. Observez le dard de la guêpe émeraude sous un microscope électronique et vous constaterez qu'il est parsemé de minuscules bosses et trous. Il s'agit de cellules mécanoréceptrices sensibles aux détails les plus fins du toucher et de la texture ainsi que de chimiorécepteurs percevant l'odeur et le goût. Si l'utilité précise des récepteurs olfactifs du dard reste à comprendre, des tests ont montré que les mécanorécepteurs sont un instrument de mesure précisément calibré. Lorsque la maman guêpe plonge son dard dans la tête du cafard, "elle peut détecter la sensation caractéristique provoquée par le cerveau de cet insecte".

Le voyage saisissant de Ed Yong dans les royaumes sensoriels d'autres espèces a donné à "An Immense World" une place de choix au sein d'une pile croissante d'ouvrages détaillant les mondes intérieurs riches des animaux. Parmi ces autres livres, on peut citer "Sentient : What Animals Reveal About our Senses" de Jackie Higgins et "The Book of Minds : How to Understand Ourselves and Other Beings, from Animals to Aliens" de Philip Ball.

Une équipe travaille sur un outil de traduction pour parler aux animaux

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