Déchus, abattus en plein vol. La trajectoire des smartphones de Huawei est intimement liée à la guerre économique que se livrent les États-Unis et la Chine. Innovants, performants, à la pointe en matière de photographie, ces smartphones ont été percutés de plein fouet par les interdictions de profiter de certaines technologies et puces américaines. Ainsi, le Huawei Mate X6, tout smartphone haut de gamme qu’il est, est privé d’atouts conséquents et même de l’essentiel : pas de 5G pour lui, pas de services Google, et pas de puces Qualcomm non plus…

Le géant chinois s’attelle toutefois à corriger les manques au fil des générations, et cherche à maintenir sa présence européenne. Le Mate X6 est un smartphone pliant résolument haut de gamme. Son prix, qui flirte avec les 2 000 euros, ne laisse planer aucun doute. De facto, le Mate X6 a énormément de potentiel, mais est-ce assez pour revendiquer une place parmi les meilleurs smartphones pliants ?

Design : soigné, plutôt fin et plaisant en main (4,5/5)

Si le Honor Magic V3 vous a tapé dans l’œil par sa finesse, le Mate X6 devrait retenir votre attention. Pas tout à fait aussi fin, il impressionne malgré tout par son design affiné et par son poids, très contenu, grâce à l’utilisation conjointe d’aluminium et de fibre de carbone. Ses dimensions sont légèrement supérieures à celle du Magic V3 ou du Galaxy Z Fold6, de Samsung, mais rien qui nuise à sa prise en main.

Les tranches arrondies sont plaisantes, pas trop glissantes, et comme tous les smartphones pliants désormais, les deux pans de l’écran sont parfaitement joints quand on le plie. La charnière joue impeccablement son rôle. Huawei indique qu’elle est 27 % plus résistante, tout en étant plus fine.

© Quentin Lorichon pour Capital

Esthétiquement, l’ensemble est plutôt beau, et le dos en similicuir, noir ou “rouge nébuleux”, est agréable à toucher. Même si une mini-coque renforcée d’une béquille est livrée de série et protégera un peu l’appareil. Le module photographique au dos est centré, pour un meilleur équilibre plié, et immanquable. Large, épais, il en impose.

Connectique : une seule technologie vous manque… (2/5)

On l’a déjà dit, le Mate X6 part avec un énorme handicap. Il n’est pas compatible 5G et affiche une connectique un peu datée, surtout pour un smartphone haut de gamme de ce prix. Le Bluetooth est 5.2 seulement (à l’heure où les premiers smartphones Bluetooth 6.0 arrivent), et le Wi-Fi est de norme 6 uniquement (pas de bande de 6 GHz, donc).

Au quotidien, on n’en souffre pas forcément, sauf pour les téléchargements de jeux en Wi-Fi. Néanmoins, on peut s’interroger sur la capacité du Mate X6 à satisfaire aux usages futurs avec ce handicap de départ…

© Quentin Lorichon pour Capital

La partition GPS est complète et riche en revanche, le NFC de la partie et l’USB-C est 3.1. Si on apprécie le support de deux cartes nanoSIM, on regrette en revanche l’absence de compatibilité avec les eSIM. Enfin, vu la capacité de stockage proposée (512 Go), on excusera l’absence de support d’un lecteur de carte SD.

Le lecteur d’empreinte digitale sur le bouton marche/arrêt est efficace et facile d’accès. Vous pouvez également activer une reconnaissance faciale, assez basique et pas très sécurisée cependant.

Écran : gigantesque, confortable, lumineux et fidèle (4,5/5)

En matière d’écran pliant géant, la palme revient toujours au Pixel 9 Pro Fold, et ses 8 pouces. Toutefois, le Mate X6, de Huawei, n’est vraiment pas loin derrière, avec sa dalle de 7,93 pouces de diagonale. L’écran pOLED LTPO, qui peut donc faire varier son taux de rafraîchissement de 1 à 120 Hz en fonction des besoins et du contenu, affiche une belle définition, parfaite pour le multitâche, et une résolution de bonne tenue (418 ppp) qui servent le confort visuel.

Le contraste réputé infini et la luminosité sont aussi des éléments essentiels qui assurent des noirs profonds et une lisibilité quelles que soient les conditions d’utilisation. Huawei annonce des pics de luminosité à 1 800 cd/m2, nous avons mesuré un maximum stable à 1 192 cd/m2, ce qui est tout à fait honnête sans être exceptionnel.

© Pierre Fontaine pour Capital

Comme souvent désormais pour les modèles pliants au format tablette, l’écran extérieur, très confortable avec ses 6,43 pouces de diagonale, est donné pour être plus lumineux, puisque c’est celui qui est appelé à être utilisé le plus souvent. Pour cette dalle OLED LTPO, annoncée à un maximum de 2 500 cd/m2, nous avons mesuré une luminosité maximale à 1 532 cd/m2. C’est très bon et la garantie d’un grand confort de lecture, même si les meilleurs écrans OLED atteignent 2000 cd/m2.

D’autant plus que les deux surfaces d’affichage sont particulièrement fidèles dans leur reproduction des couleurs. La plus grande offre un Delta E de 1,75, la plus petite affiche un joli 1,82. Deux résultats exceptionnels qui en font des dalles de grande qualité sur ce point. Dans les faits, c’est un véritable plaisir de regarder des vidéos ou des photos sur ces écrans. On ne regrettera en définitive qu’une chose, la pliure de l’écran est plus visible que chez ses concurrents directs.

Performances : une puce puissante, mais en retrait. Une offre logicielle incomplète, mais en progrès (3/5)

Comme Apple, Huawei est un concepteur de puces pour smartphone. Son Mate X6 est donc animé par un SoC maison, le Kirin 9020, épaulé par 12 Go de mémoire vive dans notre configuration de test. Tuons le suspense d’emblée, la puce de Huawei ne peut rivaliser avec le dernier SoC haut de gamme de Qualcomm. De même qu’il ne fait pas aussi bien que la puce ARM custom de Google, qui n’a pourtant pas l’ambition d’être un foudre de guerre. Il suffit de jeter un œil aux résultats obtenus avec Geekbench 6 pour s’en assurer. Si la partie CPU tient presque la comparaison, les facultés en IA de la partie graphique sont vraiment en deçà de celles de ses concurrents.

Est-ce problématique ? Pas vraiment, cela fait bien longtemps que les smartphones haut de gamme ont assez de puissance pour tous les usages du quotidien… Au moins ceux que propose le Mate X6. Car, un smartphone haut de gamme en 2025 se doit désormais d’être irrigué de fonctions intelligentes.

En l’occurrence, côté photo, on trouve les fonctions de base, comme la très classique gomme intelligente. Dans les applications de prise de notes, on pourra compter sur Copilot, de Microsoft, pour corriger les fautes de saisie, et bien sûr Gemini peut venir en renfort, si vous avez installé également l’application Google… Néanmoins, la partie IA est encore discrète. Ce n’est pas forcément un problème aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain ? Avec une question corollaire : la puce Kirin aura-t-elle les reins assez solides pour satisfaire ces besoins ?

Pour l’instant, au quotidien, l’interface de EMUI 15 est fluide, réactive et ne pose aucun souci. Elle est même assez complète, même si quelques manques se font sentir de temps à autre. Intéressons-nous à cette version d’Android open source, qui permet à Huawei d’assurer la compatibilité de sa machine avec l’offre applicative colossale qui a été développée pour l’écosystème de Google. Évoquons également le problème principal. Par défaut, le smartphone de Huawei est privé d’une part essentielle de l’Android auquel nous sommes habitués. Les services Google : Google Maps, Messages, etc. sont indisponibles.

Heureusement, Huawei travaille d’arrache-pied à fournir des alternatives à ces grands outils de notre quotidien. Petal Maps pour remplacer Google Maps, Huawei Wallet pour Google Wallet, le navigateur de Huawei en lieu et place de Chrome, et surtout AppGallery pour le Play Store de Google.

On touche alors à deux limites. La première (et la plus dure à contourner) est celle de nos habitudes. Il faut s’habituer à d’autres interfaces et d’autres comportements. Par exemple, les résultats affichés dans Petal Maps ne sont pas les mêmes et dans le même ordre que ceux de Google Maps. Un détail, parmi beaucoup d’autres. Huawei a encore des progrès à faire pour muscler son offre. Le géant chinois pourrait également éviter de préinstaller tant d’applications inutiles et redondantes. Heureusement, il est possible de retrouver un semblant de normalité et de repères. Il suffit pour cela d’installer un programme comme Aurora Store (disponible sur l’App Gallery de Huawei) ou une solution comme Gbox. Tous les programmes que vous utilisez habituellement sur votre smartphone Android n’y figureront pas forcément, mais l’essentiel, et un peu plus, est là.

Seul revers de la médaille, vous ne profiterez pas du niveau de sécurité et de surveillance du Play Store, et les mises à jour ne seront pas forcément automatiques… Le niveau de risque est donc un peu plus élevé.

Photo : trois modules très maîtrisés et tout en douceur (4,5/5)

La réputation de Huawei dans le domaine de la photographie n’est plus à faire. Ici, il propose une partition construite autour de trois modules, dont un grand-angle à ouverture variable (f/1.4 – 4.0), ce qui est assez rare, et une nouveauté, un capteur de spectre colorimétrique, baptisé Ultra Chroma. Son rôle est de restituer les couleurs avec plus de fidélité et de précision.

Le module principal, le grand-angle, produit des clichés de 12,5 Mpx tout bonnement excellents en pleine lumière, même si la netteté n'est pas parfaite. Le module se tire joliment d’affaire en basse lumière, on perdra toutefois en précision et en détail. La montée en ISO est contrôlée, même si à partir de 3 200 ISO, les petits éléments, et surtout le texte, sont moins lisibles, pour devenir des hiéroglyphes passés les 6 400 ISO. Le traitement numérique de Huawei est néanmoins bon, car on ne s’aperçoit de son travail de fond quand zoomant sur l’image. Et on saluera la cohérence des couleurs, bien maintenue.

Nous avons tout particulièrement apprécié la douceur du traitement des portraits du grand-angle, avec un bokeh plaisant et beaucoup de détails, soulignés par un piqué plutôt honnête. On pourrait regretter de ne pas avoir retrouvé le grain de peau qu’offrent les smartphones Honor haut de gamme, par exemple, mais c’est généralement le fruit d’un traitement numérique un peu trop poussé. On ne s’en plaindra donc pas.

© Quentin Lorichon pour Capital

L’ultra-grand-angle est légèrement moins bon. Il fournit des clichés de 10 Mpx très agréables mais en léger retrait, aussi bien en pleine lumière qu’en basse lumière. Les détails sont toutefois suffisants pour convaincre sur un écran d’ordinateur et pour éventuellement une impression petit format. Comme souvent, c’est aussi ce module qui sert au mode macro. On regrettera alors qu’on projette parfois une ombre sur le sujet. Néanmoins, les photos sont souvent réussies.

On constate logiquement de déformations angulaires sur l’ultra-grand-angle, malgré les corrections apportées. Mais le traitement photo de Huawei est toujours plaisant, très mesuré. Une remarque qui vaut d’ailleurs pour le téléobjectif. L’équivalent 90 mm (soit une puissance de zoom x4) est franchement convaincant. On recommandera d’éviter le zoom hybride x10 dont les clichés manquent de détails. Il est en tout cas difficile de ne pas penser au très bon Magic V3, de Honor, qui bénéficie d’un téléobjectif de même focale. Les résultats du Mate X6 nous semblent toutefois meilleurs, ou tout du moins plus naturels. Huawei n’utilise pas la photographie computationnelle pour renforcer les contours et les matières aussi fortement, les photos en sont plus agréables à l’œil, si elles paraissent, en contrepartie, moins nettes, moins détaillées.

Le Mate X6 offre ce que peu de smartphones pliants mettent sur la table, une partition photo cohérente et équilibrée, qui donne plaisir à être utilisée.

Autonomie : endurant et vite prêt à repartir (5/5)

Les smartphones pliants, avec leurs écrans gigantesques et leur tendance à s’affiner de plus en plus, se heurtent évidemment à la question de l’autonomie avec une certaine virulence. Si les premiers modèles étaient moins autonomes que leurs concurrents classiques, la donne a tendance à changer ces dernières années.

Ainsi, le Mate X6 nous a accompagnés toute une journée sans encombre, en alternant les usages (mail, consultation de vidéos, surf, jeu et musique, un peu de GPS, etc.). Une utilisation plus intensive diminuera assurément l’autonomie, mais, sauf abus, vous devriez pouvoir tenir une journée sans souci.

Avec sa batterie de 5 110 mAh, le Mate X6 affiche d’ailleurs une belle double autonomie – double, car, il faut bien entendu mesurer son endurance plié et déplié. Ainsi, quand on lui demande d’afficher une vidéo 4K en continu sur son écran de 7,93 pouces, le smartphone du géant chinois tient 25h55. C’est tout simplement la meilleure autonomie mesurée avec ce test sur un smartphone pliant.

© Quentin Lorichon pour Capital

Le même test, avec un affichage sur l’écran extérieur le voit tenir, de manière surprenante, un peu moins longtemps : 24h39. Ce qui le classe tout de même parmi les meilleurs de ce type d’appareils.

Le Mate X6 a, par ailleurs, un autre atout par rapport aux Galaxy Z Fold6 et Pixel 9 Pro Fold, il bénéficie d’une recharge filaire à 66 W (et 50 W en sans-fil), comme le Magic V3 de Honor. Cela lui permet de repartir à l’assaut de votre quotidien plus rapidement. Les 50 % de charge sont atteints en 17 minutes et le plein est fait en 57 minutes. Voilà qui est plutôt vite expédié… Et cette nouvelle est d’autant meilleure que Huawei fournit le chargeur compatible avec son appareil.

Réparabilité : solide, mais trop difficile à réparer ? (2,5/5)

La finition du Mate X6 paraît solide et apte à affronter le temps qui passe. Autant que peut l’être un smartphone pliant, bien entendu, par essence un peu plus exposé à la casse. Néanmoins, Huawei a fait un effort et la certification IPX8 indique qu’il survivra à une immersion accidentelle. Le verre Kunlun de seconde génération est donné également pour être plus résistant aux rayures et chocs.

Néanmoins, le Mate X6 n’affiche qu’un indice de réparabilité de 6,8/10. Une note inférieure d’un point à celle du Galaxy Z Fold6 et qui est surtout grevée par deux sous-notes : 0,8/10 en facilité de démontage des pièces de la liste 2, celles qui risquent le plus de casser, et 4,5/10 pour le prix des pièces détachées de cette même liste. Il ne devrait par ailleurs pas être très facile de trouver les outils pour le démontage, si l’aventure vous tente. Sur ce point, le Mate X6 écope d’un 5/10.
Autrement dit, le Huawei Mate X6 ne sera pas facile à réparer et cette opération pourrait coûter cher… Tandis que le suivi logiciel n’est pas détaillé et que Huawei nous a indiqué ne pas souhaiter communiquer son engagement sur ce point. Difficile de savoir ce que donneront les mises à jour logicielles au long cours.

Les alternatives au Huawei Mate X6

Honor Magic V3 : le demi-frère

Extrêmement fin, ce smartphone pliant offre une prise en main exceptionnelle, des écrans vastes et confortables, toute la puissance des puces Qualcomm et une très bonne autonomie… Sans oublier une partition photo qui vaut le détour.

Google Pixel 9 Pro Fold : le plus original

Avec son design original, l’intégration de fonctions intelligentes de Google dans une version d’Android pure, une dalle gigantesque et une offre photo plaisante, le pliant de Google doit être considéré avec attention.

Conclusion

Le Huawei Mate X6 commence la course avec de sévères handicaps, malgré une finition exemplaire et une partition photo sans concession, qui séduit et s’avère excellente. En revanche, certains éléments ne peuvent être compensés, comme l’absence de 5G. D’autres semblent se résorber. La partie logicielle est ainsi en progrès, et les solutions de contournements qui donnent accès aux services de Google ou d’équivalents sont faciles à mettre en place et à adopter.

Pour ceux qui s’inquiètent de ne pas avoir une puce toute-puissante, pas d’inquiétude, le quotidien est assuré et aucune lenteur dérangeante n’est à signaler. Assez pour aujourd’hui, donc, mais demain ? Que donnera-t-elle dans le futur, surtout si Huawei se lance à l’assaut de l’IA ? La question est ouverte et elle rejoint la liste des menus compromis qu’on peut tolérer. Même si, pour un smartphone de ce prix et au vu de la concurrence excellente, il reste difficile de les accepter sans réserve…

  • Design : 4,5/5
  • Connectique : 2/5
  • Écran : 4,5/5
  • Performances : 3/5
  • Photo : 4,5/5
  • Autonomie : 5/5
  • Réparabilité : 2,5/5

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