
Qui a assassiné l’automobile européenne ? Depuis 2019, les ventes de voitures neuves ont chuté de 11% sur le Vieux Continent. Pas besoin de chercher la raison très loin… En effet, en parallèle, le prix catalogue des véhicules achetés n’a cessé d’augmenter. En France, il est passé de 28 107 euros en 2020 à 34 872 euros en 2024. Soit une inflation de 24%, correspondant à 6800 euros ! A écouter les constructeurs automobiles, le coupable est tout trouvé : l’Union européenne, qui étranglerait les entreprises à coups de normes. Début mai, de façon rarissime, le président de Stellantis John Elkann et le directeur général de Renault Luca de Meo se sont alliés pour pester ensemble contre les normes européennes.
«Les règles européennes font que nos voitures sont toujours plus complexes, toujours plus lourdes, toujours plus chères, et que les gens, pour la plupart, ne peuvent tout simplement plus se les payer», a reproché Luca de Meo, dans une interview au Figaro. Prenons l'exemple du prix d’une Clio, qui pourrait grimper 40% entre 2015 et 2030, selon ses prévisions. «À 92,5% attribuable à la réglementation», chiffre le sauveteur du groupe Renault. «Les réglementations ont eu pour effet d’assécher le marché», a renchérit John Elkann. Une diatribe qui contient peut-être un soupçon de mauvaise foi…
Chez Renault et Stellantis, une part d’inflation «choisie»
Après cette charge de Luca de Meo et John Elkann, l’Institut mobilités en transition (IMT) et le cabinet C-Ways se sont penchés sur les vraies causes de l’inflation automobile. Dans une étude, les auteurs font la part entre les effets effectivement subis par les constructeurs, comme les normes mais aussi l’inflation des matières premières et de l’énergie. Ils ont également pris en compte les effets «choisis», comme l’augmentation des prix pour doper les marges de certaines voitures ou la montée en gamme intentionnelle de certaines marques.
Verdict : sur les 24% d’inflation constatés sur le marché automobile français, 6 points sont liés à des causes subies par les constructeurs, 12 points à des causes choisies et 6 points à des causes hybrides. Des chiffres qui nuancent les propos tenus par les industriels automobiles. La montée en gamme des marques figure en bonne place dans les «causes choisies» : les constructeurs préfèrent fabriquer des véhicules plus gros et contenant plus d’équipements, que des petites citadines pour lesquelles les marges sont moins généreuses. Il s’agit de la SUVisation du marché automobile, tandis que des petites voitures comme la Peugeot 108 et la Smart ForTwo ont disparu.
«Dacia, traditionnel champion du prix, a connu la plus importante montée en gamme et tarif de toutes les marques», relèvent les auteurs de l’étude. Il faut dire que la marque roumaine voulait se débarrasser de son image «low cost». Chez Stellantis, les prix ont également augmenté «à segment et énergie équivalente» pour la marque Opel qui voulait se différencier de Citroën. Même phénomène d’augmentation moyenne des prix chez Volkswagen, Peugeot, Toyota… «Cette stratégie semble à bout de souffle, comme en témoigne la baisse sans précédent et structurelle des ventes, les clients traditionnellement acheteurs de véhicules neufs les moins aisés ne pouvant suivre», font remarquer les auteurs de l’étude.
Les Kei Cars japonaises : une bonne idée à appliquer en Europe
L’inflation sur le marché automobile risque de se poursuivre. A cause de la transition vers la voiture électrique tout d’abord. Mais aussi à cause des politiques industrielles et fiscales qui favorisent le «made in Europe». Toutefois, les auteurs de l’étude rejoignent Renault et Stellantis sur un point : «il serait intéressant de différencier réglementairement une nouvelle catégorie de petits véhicules, en prenant exemple sur les “Kei Cars” japonaises», encouragent-ils. Un projet sur lequel planche Renault. «Ce que nous demandons, c’est une réglementation différenciée pour les petites voitures», encourage Luca de Meo. Le bon démarrage de la R5 électrique montre que les succès commerciaux sont encore possibles, à condition que les prix ne soient pas exagérés.



















