Ne jamais monter dans la voiture d’un inconnu. C’est peut-être ce bon sens qui anime Jean-David Chamboredon, figure incontournable du capital-risque, lorsqu’on lui parle pour la première fois d’une application appelée Covoiturage.fr. «Je n’y croyais pas du tout», nous avoue-t-il. Mais, fin 2009, pour faire plaisir à un associé, l’investisseur accorde trente minutes à un certain Frédéric Mazzella pour qu’il lui présente son projet. «En fait, l’entretien a duré une heure et demie. A la fin, je lui ai dit : “Je pense que t’as un truc.”»

Quelques mois plus tard, le fonds Isai signe un chèque de 1 million d’euros à la start-up. Un pari gagnant dont se félicite encore «JDC». Lancée en 2004, la jeune pousse devenue BlaBlaCar est longtemps restée discrète sur ses résultats financiers. Désormais, elle accepte de dévoiler des chiffres pour le moins rutilants : elle vise une croissance insolente de 33% en 2023. Mieux encore, après avoir longtemps cherché son modèle économique, elle assure pouvoir générer de petits bénéfices. Et les voyageurs sont de plus en plus nombreux à embarquer avec des conducteurs non professionnels qu’ils ne connaissent ni d’Ève ni d’Adam.

Le covoiturage s'est démocratisé via sa plateforme numérique

Longtemps associé aux étudiants en vadrouille, le covoiturage va se démocratiser grâce au numérique. Sur la plateforme de mise en relation de BlaBlaCar, les paiements sont sécurisés et les utilisateurs se notent entre eux. Un outil qui permet d’écarter les mauvais payeurs, les fous du volant et les passagers lourdingues. Sur un modèle gagnant-gagnant, le conducteur partage ses frais d’essence avec les passagers et ces derniers voyagent à un prix bien moindre qu’un billet de train. Au passage, BlaBlaCar prélève une commission de 20% sur les sommes déboursées par les covoitureurs. Vingt ans après la naissance des poids lourds de l’Internet, l’idée paraît simplissime. Et pourtant… «Les acteurs traditionnels n’y ont pas cru. Il aurait été logique que des constructeurs automobiles ou des transporteurs étudient le covoiturage. Mais cette innovation est venue de personnes complètement extérieures au secteur des mobilités», s’étonne Flavien Neuvy, directeur de L’Observatoire Cetelem et économiste.

De fait, BlaBlaCar jouit d’un quasi-monopole sur le covoiturage longue distance. Pour mener à bien ses opérations, l’entreprise a juste besoin d’ingénieurs et de serveurs solides. Pas de chauffeurs syndiqués comme à la RATP, pas d’infrastructures ultracoûteuses comme à la SNCF, pas de flottes de véhicules à bichonner comme chez les loueurs de véhicules. Uber a rêvé d’un tel modèle en s’appuyant sur des chauffeurs précaires et en investissant à perte dans le développement de la voiture autonome. BlaBlaCar a trouvé la parade… en regardant par la fenêtre.

La suite est réservée aux abonnés
Abonnez-vous à Capital à partir de 1€ le premier mois
  • Accès à tous les articles réservés aux abonnés, sur le site et l'appli
  • Le magazine en version numérique
  • Navigation sans publicité
  • Sans engagement